Vous avez aussi la possibilité d'écouter avant de lire le texte !
La presse en France connaît des temps difficiles.
Parmi les coups durs : la poursuite effrénée des concentrations dans la presse écrite et dans l’audiovisuel ou chez les opérateurs de télécommunications et de diffusion, l’entrée des industriels et des financiers dans le capital des grands quotidiens nationaux, des fonds de placement et des fonds de pension dans les entreprises de presse en difficulté, la fermeture de titres et de chaînes, le « dégraissage » des rédactions, les atteintes répétées contre l’indépendance des journalistes, les perquisitions dans les rédactions et au domicile des journalistes, les dérapages, la priorité donnée au traitement de l’information « people » ou aux faits divers plutôt qu’au social et la transformation des médias dominants en autant d’instruments partisans de propagande.
Les transformations du paysage français des médias sont telles depuis vingt ans qu´il n’est absolument pas exagéré de parler de véritable rupture. Si l’extraordinaire enrichissement de l’offre médiatique est l’une des manifestations les plus visibles de cette rupture, celle-ci se constate également dans la transformation du cadre juridique et institutionnel, dans la mutation profonde de l’économie des médias et l’activité des entreprises, mais encore dans les rapports qu’entretient la société avec ses moyens d’information.
Mais si rupture il y a, des spécificités françaises demeurent. Il existe des modèles d’organisation, de rapport au politique, de traitement des rapports sociaux propres aux médias français, au point que l’on parle d’un «modèle français» différent d’un «modèle dit anglo-saxon». La place de l’Etat est, à cet égard, significative. En effet, en France, l’Etat est appelé à jouer un rôle de soutien financier, d’arbitre ou de régulateur, impulsant les nouveaux médias et technologies, mais assurant aussi la tutelle des médias publics. Et ces singularités – ces interventions fréquentes de l’Etat - expliqueraient les difficultés qu’ont les médias français à s’insérer dans un cadre européen, voire même international, où prédominent les conceptions anglo-saxonnes.
L’émergence de géants de la communication, à l’activité mondialisée, représente bien l’un des signes majeurs de la profonde mutation de l’économie des médias. À tous les niveaux, on constate que les méthodes de travail, les techniques, les contenus éditoriaux s’internationalisent. Tel est le cas du magazine féminin Elle, qui publie plus d’une trentaine d’éditions de par le monde, incarnant ainsi la «French touch». Il n’empêche que - pour poursuivre dans l’examen des particularités françaises - le poids des groupes dont l’activité principale se situe hors des médias et qui vivent parfois de la commande publique (BTP, armement, service aux collectivités) est particulièrement élevé.
Les nombreuses luttes dans les rédactions, différentes dans leurs formes, pour s’opposer au nouvel ordre des choses, ont montré que, dans leur grande majorité, les journalistes aspirent à informer autrement et à libérer l’information.