La progression de la demande va faire grimper durablement les cours. De quoi freiner la croissance à court terme, en attendant d?imposer de profondes mutations à notre système économique.
Le prix du pétrole s?enflamme : le seuil symbolique des 50 dollars le baril, soit environ 300 euros la tonne, a été franchi le 1er octobre à New York, où l?on cote le pétrole texan, et le 11 octobre à Londres, où se fixe celui de la mer du Nord. Certes, nous sommes encore loin des sommets de 1980 : en pouvoir d?achat, les 55 dollars d?aujourd?hui représentent nettement moins que les 38 dollars atteints alors car, entre-temps, le coût de la vie a doublé. Reste que cette flambée succède à une longue période ? quinze ans ? de calme plat et que les cours ont presque doublé en un an : fin octobre 2003, le brut de la mer du Nord se négociait à 27 dollars.
Est-ce une simple fièvre temporaire comme la plupart des matières premières en connaissent de temps à autre ? Ceux qui veulent se rassurer le prétendent. Les uns mettent en avant les sabotages en Irak, les grèves au Nigeria ou les conséquences des cyclones au Texas ; d?autres l?insuffisance des capacités de production des raffineries ; et d?autres encore le caractère spéculatif des marchés de matières premières, où la hausse engendre la hausse et la baisse provoque la baisse, chacun anticipant la poursuite du mouvement et contribuant, de ce fait, à la concrétiser.
S?il ne s?agissait que de cela, il ne vaudrait pas la peine d?en parler. En réalité, même si la spéculation accentue le phénomène, elle ne le crée pas. Il y a bel et bien un déséquilibre croissant entre l?offre et la demande, qui tire les prix vers le haut. Et ce déséquilibre a de fortes chances de ne pas se résorber de sitôt : le monde dans son ensemble consomme depuis presque dix ans plus de pétrole qu?il n?en est découvert chaque année. Les stocks exploitables se réduisent donc. En d?autres termes, la fin de l?ère pétrolière se profile à l?horizon.
Bien que l?on ne soit pas encore en mesure de déterminer avec précision son terme, on dispose d?au moins une certitude. Dans une trentaine d?années, sauf ralentissement très fort de la demande, la plupart des pays aujourd?hui exportateurs de pétrole n?en exporteront plus ou quasiment plus. Les seuls pays capables de fournir seront les pays du Moyen-Orient, où se concentrent plus des trois quarts des réserves actuellement prouvées. Ce qui nous réserve quelques belles menaces de conflits dans un endroit de la planète où ils ne manquent déjà pas.
d'après Denis Clerc
Alternatives économiques