Il est arrivé en septembre dans les hypermarchés. "Un café pour agir", avec son paquet ocre, décoré du visage buriné d'un paysan. Est-il le dernier produit d'une obscure marque de petits cultivateurs brésiliens ? Pas du tout. Simplement le nouveau café Jacques Vabre, une marque qui appartient au géant américain Kraft Foods. Un groupe jusqu'alors peu connu pour son action caritative.....

Jacques Vabre n'est d'ailleurs pas le seul : Nestlé vient de sortir un café "éthique" en Grande-Bretagne. Le chocolat Cémoi propose une gamme "bio-équitable" depuis 1999. Les hôtels Accor distribuent le café Malongo. Carrefour, Monoprix et Leclerc ont chacun lancé leur gamme "éthique"...

Ce n'est pas qu'une question d'image. Mais aussi de business. Car les produits éthiques permettent de se différencier sur des marchés très encombrés, et de relancer l'intérêt des consommateurs. Par exemple, sur le marché du café globalement sinistré (-2,1% en volume depuis 2003), un seul segment explose : l'éthique, qui augmente de 136% ! (1)
"Selon un récent sondage Ipsos (2), non seulement 74% des Francais ont déjà entendu parler du commerce équitable, mais près de 50% ont déjà acheté ses produits.
Le plus intéressant, pour les marques, c'est que ce sont surtout les catégories les plus aisées, et les plus diplômées, qui s'intéressent à ce genre de produits", explique Virginie Diaz, qui prépare une thèse sur la question. Qu'un nombre croissant de consommateurs soit prêt à payer un peu plus cher pour que les producteurs les plus pauvres puissent vivre décemment, on ne peut que s'en réjouir. "Le problème, c'est qu'aucun consommateur n'a les moyens de vérifier à quel degré un produit est éthique, explique Elisabeth Laville, du cabinet de conseil en développement durable Utopies. Et c'est là que l'irruption des grands groupes pose problème : le consommateur ne leur fait pas forcément confiance."
Pour être crédibles, industriels et distributeurs passent des accords avec un label, lequel sélectionne de petits producteurs. La marque peut, en échange, apposer le label sur les produits. Mais des labels, il y en a des dizaines. Chacun avec sa philosophie, et une vision différente de ce qu'est un produit "éthique". Normal, aucune loi ni norme ne définit cette notion. D'où une certaine confusion.
Par exemple, Jacques Vabre a fait alliance avec Rainforest, une ONG de protection de l'environnement tout à fait respectable. Mais qui ne s'occupe absolument pas de garantir un prix d'achat minimum aux producteurs. "Le but de Rainforest, c'est de proposer un café sans pesticides, explique-t-on chez Jacques Vabre. Mais comme, du coup, ce café est excellent, nous payons le producteur de 8 à 12% de plus que le cours officiel.
Bien sûr, 8 à 12% de mieux, c'est déjà ça. Mais c'est insuffisant : produire une livre de café coûte en moyenne 80 cents à un petit producteur. Le cours officiel du café, en 2005, a oscillé entre 40 et 90 cents la livre : même avec 12% de plus, on est loin du compte.... Le seul label qui garantisse un prix minimum d'achat aux producteurs (1,21 dollar la livre de café, soit le double du cour moyen), c'est l'incontournable Max Havelaar. Les économies se font en squeezant les intermédiaires locaux, qui, du coup, ne gagnent plus leur vie. Toutes les étapes suivantes (torréfaction, conditionnement), celles où se dégage la vraie valeur ajoutée, sont assurées par des entreprises du Nord, qui ne rognent pas sur leurs marges, mais pratiquent les mêmes tarifs que d'habitude.
Au final, le seul qui fasse un effort, c'est le consommateur, qui paie quelques centimes de plus son paquet de café. Cet argent va, effectivement, au producteur. Mais le problème est que l'on vend peu de café équitable : il ne représente que 2% du marché du café. Bien sûr, plus le commerce équitable augmentera, plus les revenus des producteurs progresseront. L'État a essayé de mettre en place un label global, qui s'impose à tout le secteur, un peu comme le label NF, la Norme Francaise. L'idée a été abandonnée. Pas moyen de se mettre d'accord entre industriels, ONG et associations.
(1) source ECOCERT. (2) sondage Ipsos réalisé pour Max Havelaar les 20 et 21 mai 2005.

Questions sur le texte :

Qu'est-ce qu'un produit éthique ?
Quel est le consommateur type ?
Les gammes "éthiques" sont-elles répandues sur le marché français ?
Les diverses marques sont-elles d'accord sur ce qu'est un produit éthique ?

Discussion :

Avez-vous déjà entendu parler de ce phénomène ?
Est-ce une tendance répandue en Suède également ?
Qu'est-ce qui pourrait vous motiver à acheter ce type de produits ?